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Me souvenant du Père Alexander [Pihach]

Octobre 8, 2016

Une réflexion par le Père Lawrence Farley.

La matinée de samedi a commencé sur un coup de tonnerre : tôt le matin, un de mes chers confrères prêtres de notre diocèse a amorcé sa conversation téléphonique sur les mots « Avez-vous entendu la nouvelle au sujet du Père Alexander? » Non, je n’avais pas entendu la nouvelle au sujet du Père Alexander Pihach, mais j’ai été sur le champ informé de son décès subit et inattendu plus tôt ce jour-là. Après avoir voyagé de Moscou, où il servait en tant prêtre à la paroisse Sainte-Catherine qui y représente notre Église, jusqu’à Toronto et y être arrivé très tard, il avait été accueilli à l’aéroport et avait mangé à la résidence d’un prêtre de la ville pour s’écrouler ensuite soudainement en se rendant à son lit et décéder. Il avait reçu récemment un bilan de bonne santé après des traitements pour le cancer et espérait avoir encore plusieurs autres années de ministère fécond. Il était âgé de 64 ans.

Je n’ai pas été le seul à m’être senti comme si la foudre m’avait frappé. Le Père Alexander (ou « Père Dennis », nom sous lequel il a été connu pendant de nombreuses années) a servi en tant que chancelier du diocèse canadien pendant plusieurs années et en tant que recteur de paroisses à travers le pays. Il était non seulement bien connu mais également aimé.

Je l’ai rencontré alors que j’étais encore un prêtre anglican explorant l’Orthodoxie. J’avais voyagé pendant trois heures pour me rendre du nord de la Saskatchewan à la ville de Saskatoon, en vue d’observer cet étrange phénomène d’une Liturgie orthodoxe célébrée en anglais. Dennis était un diacre de la paroisse. J’ai posé plusieurs questions, pour la plupart stupides. Je lui ai aussi demandé : « Qu’est-ce que cette affaire de juridictions? » Le prêtre et lui ont échangé un regard éloquent et Dennis a répondu : « Le seul lieu où parler de juridictions orthodoxes est soit sur vos genoux, soit dans un bar. » À ce moment, je n’ai pas compris et n’ai pu que plus tard apprécier le mélange d’esprit, de sagesse, de pragmatisme et d’humour qui caractérisait Dennis Pihach. C’était un mélange qui garderait ultérieurement saines d’esprit plusieurs personnes, lorsqu’il servirait en tant que chancelier du diocèse au cours des années intéressantes subséquentes.

Si j’avais à décrire en peu de mots mon ami de longue date, je parlerais de « saint pragmatisme ». Le Père Dennis était avant tout un saint pragmatiste, déterminé à ne mourir que sur la seule colline choisie par Dieu. Il savait encaisser les coups (et il y en a eu plusieurs), trouver l’unique chose nécessaire, garder à la fois son intégrité et son sens de l’humour – ce qui n’est pas chose aisée – et faire part de sa sagesse, de même que de sa perspective, à ceux qui en avaient le plus besoin. Il avait le don de l’amitié, celui de s’entendre avec des personnes très différentes de lui au niveau de la vision comme du tempérament et de les enrichir à compter de ce don. Il n’avait pas de temps pour l’irréalisme prétentieux et prenait à la légère les honneurs de ce monde. Si le Père Dennis/ Alexander pensait que quelque chose n’avait pas de sens ou qu’un homme était un idiot, il est probable que la chose en question n’avait pas de sens et que l’homme était un idiot. On pouvait se fier à son jugement et à son discernement, mais néanmoins il ne méprisait personne. Il voyait tous les défauts de l’Église mais il l’aimait tout de même.

Le Père Dennis/ Alexander avait une stature imposante et sa stature imposante renfermait un grand cœur. Ceux d’entre nous qui le connaissaient bien savaient qu’ils avaient une place quelque part dans ce cœur. Il me téléphonait parfois de Moscou (à travers Dieu sait combien de fuseaux horaires) juste pour parler, prendre contact et encourager. Malheureusement pour moi et pour nous tous, nos téléphones pourront bien sonner maintenant plusieurs fois, il ne sera plus jamais au bout de la ligne. Son départ nous a tous appauvris et nous ne verrons pas de sitôt quelqu’un de semblable. Mémoire éternelle.